
Pourquoi les distinctions honorifiques changent la motivation au travail ?
- Actualité
- juillet 26, 2025
- Sans commentaire
- 0
Un collègue débarque un lundi matin, la tête haute, le sourire conquérant. Il tient juste assez ostensiblement une médaille ou un trophée pour que chacun la voit la distinction « meilleur employé du mois », « Top Performer » ou « Étoile de la rentrée ». Vous entrez dans l’ascenseur, vos mains sont vides, vos exploits restent silencieux. À ce moment-là, il n’existe que deux réactions possibles : l’envie de claquer la porte ou une résolution sauvage de dépasser la performance de l’heureux élu… à la rentrée prochaine.
Quel jeu joue la société moderne avec ces badges honorifiques ? Au fond, pourquoi accorde-t-on autant d’importance à ce qui brille ou à ce qui se montre, et qu’est-ce qui se cache vraiment derrière ces petits bouts de papier ou ces statuts nominaux ?
Ce que le cerveau fait quand il reçoit une distinction
Votre cerveau, peut-être à votre insu, adore les récompenses. Recevoir un trophée, un diplôme honorifique ou un « bravo » public active les circuits du plaisir, avec une petite dose de dopamine en prime. Cette réaction chimique, c’est du clair de lune en plein bureau : ça fait du bien sur le coup, ça rassure, ça motive à reproduire la performance qui a valu la récompense. Cette validation extérieure est un puissant levier pour booster l’engagement, la satisfaction et même la performance, comme le confirment plusieurs études récentes en psychologie du travail.
Ce besoin de reconnaissance est universel et se manifeste sous diverses formes, allant de la simple tape dans le dos en entreprise à des honneurs bien plus solennels. C’est le cas, par exemple, médaille des services militaires volontaires, qui symbolise un engagement profond et une reconnaissance officielle de l’État envers un citoyen.
Mais attention, il ne s’agit pas d’un remède universel. D’autres recherches montrent que le plaisir de la reconnaissance peut s’affadir avec le temps, surtout si la distinction devient routinière ou qu’elle ne s’accompagne ni d’opportunités réelles de progression, ni d’une perspective de développement personnel. Bref, le cerveau humain aime bien la surprise, la nouveauté et le sentiment d’être unique. Si la médaille tombe tous les mois, sans surprise, la magie s’étiole.
Quand la distinction devient un jeu à somme (presque) nulle
Dresser le portrait des lauréats, c’est facile. Mais que dire des autres ? Ceux qui n’ont pas eu la « chance » de passer sur le tapis rouge ? Les travaux scientifiques sont parfois sévères avec les distinctions honorifiques : si elles encouragent les élus, elles peuvent aussi produire du désengagement chez ceux qui, malgré leurs efforts, restent dans l’ombre. C’est ce qu’on appelle, dans la littérature, « l’effet de comparaison sociale négative ».
Concrètement, l’« employé du mois » ou l’« expert certifié » n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le reste de l’équipe. Ce type de récompense crée du clivage, de la concurrence, parfois de la frustration. Le pire ? Quand les critères de sélection sont flous ou jugés injustes, la distinction perd de sa légitimité, et la démotivation s’installe, comme le rétorque souvent la recherche sur la subjectivité des récompenses. On aime tous recevoir un compliment, mais pas au prix d’un sacrifice du collectif.
Motiver par le cœur ou par la médaille ?
Derrière la question de la distinction honorifique, il y a une interrogation bien plus vaste : qu’est-ce qui nous pousse vraiment à nous investir ? La recherche est claire, des études récentes le confirment : la motivation intrinsèque (faire parce que ça a du sens, parce qu’on aime, parce qu’on grandit) prime largement sur la motivation extrinsèque (faire pour obtenir une récompense, un statut, un bonus). Une étude récente, publiée en 2025, révèle ainsi que la motivation interne serait 3,3 fois plus efficace pour améliorer la performance au travail que les récompenses matérielles ou symboliques.
Mais alors, pourquoi la société continue-t-elle de s’emparer des distinctions ? Parce que l’enjeu n’est pas tant la récompense que le message qu’elle porte. Ce n’est pas le trophée qui compte, c’est la reconnaissance, le sentiment d’être vu, entendu, apprécié. Ce qui motive vraiment, c’est la perspective d’évoluer, de progresser, de se sentir utile. Un « bravo » bien placé, un feedback personnalisé, une occasion de développer ses compétences ont souvent plus d’impact qu’une plaque émaillée.
Faire la distinction entre l’outil et le contexte
Il faut bien l’admettre : les distinctions honorifiques ne sont ni de bons ni de mauvais outils. Tout dépend de la manière dont elles sont utilisées, et surtout du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Si la culture d’entreprise valorise le collectif, la coopération, la transparence des critères, la distinction peut devenir un vrai levier d’engagement, permettant à chacun de se projeter dans une trajectoire de progrès. Mais si le contexte est celui de la compétition tous azimuts, de la sélection arbitraire ou du favoritisme, alors la distinction devient vite source de stress, de méfiance, de désengagement.
Par exemple, plusieurs entreprises observent une montée en puissance des récompenses collectives, des reconnaissances par les pairs, des valorisations de compétences originales (« meilleur collaborateur », « meilleur facilitateur d’équipe »). L’idée ? Déplacer l’attention de l’individu vers le groupe, sortir des classements binaires pour entrer dans une dynamique de valorisation partagée. Car, au fond, ce qui compte, c’est de sentir que l’on fait partie d’un projet commun, d’une aventure où chacun a sa place, qu’il soit ou non « distingué » ce mois-ci.